1924 … le « Rat d’Eau » !

Extrait d’une lettre de Monsieur Guitet (propriétaire de l’hôtel des voyageurs) à Monsieur et Madame Paul DEVIN, le 10 janvier 1924. Le texte n’a pas été retouché.

« …Parlons maintenant du terrible raz de marée. Chère Madame Devin, vous me demandez mon avis, je vais faire mon possible pour vous le donner.

Mardi matin le 8 janvier à 8 heures, un immense arc en ciel prenant du Nord au Sud – soit de l’Ile de Ré en allant dans la direction de Bordeaux – était complètement rouge vif, sans autres couleurs. Il était très large, il était beau mais il avait quelques chose de sinistre.

Dans l’après midi la mer qui était déjà grosse, se grossi plus forte, elle était effrayante à voir. La nuit fut mauvaise. Des coups de vents au Sud effrayant. Plusieurs tuiles du faitage furent enlevés. Sur les 4 heures du matin ma femme se réveil et m’ appel. Je me lève, notre fenêtre était secouée très fortement, les volets étant coffrés, j’ai eu toutes les peines du monde à les fermer, tellement le vent était grand. Mais il aurait fallu entendre ces rugissements, l’on aurait dit que tous les éléments étais déchainés.

Je ne me suis levé qu’a 6h30 ayant un voyageur à l’Hôtel. A 7 heures ayant sorti devant l’Hôtel, le voyageur vint me trouver, et je lui dit : tiens je ne vois plus les mats des 2 bateaux qui étais dans le port… Mais en échange nous voyons des vagues énormes qui envahissais encore le port. Mais il y avait déjà 1h30 que la mer se retirait, la pleine mer étant à 5h15 du matin et la maline n’était plus que de 95 de coefficient fort heureux car le 7 au soir et le 8 au matin elle était de 100 et si cela c’était passé avec une maline de 112 ou 116 nous ne pouvons savoir ce qu’il en serait résulté.

Nous arrivons devant le port. Les petits bateaux qui étais dans le port étais tous revenus à la côte devant les 2 villas, les uns chavirés, les autres plein d’eau et 2 autres étais montés sur les quais. La mer avait complètement couvert la route du port en face le terrain que vous avez loué, et la mer avait coupé la butte de sable à côté ou est placé mon ancien bar, et la ligne de chemin de fer envahie par l’eau et le sable. Elle a même pénétrée un peu dans le bois de pins.

La mer a envahie en Proie (c’est un fief qui s’ appel les Proies, c’est entre la Brée et St-Denis) entre St-Denis et la Brée et est venue jusqu’à la route de la Brée qu’elle à traversé en bas de la Bonne c’est à dire à la descente de la route après le moulin des Combes.

Sur la côte ouest, du côté des huttes, chez Michaud, ils ont été envahi. Au chenal des huttes, chez Gendreau, la mer est venu déferlé devant leurs maisons mais elle faisait le tour, c’est à dire qu’elle longeait la côte au lieu de venir en face, je vous en donnerai l’explication plus loin.

Avant d’arriver à Chassiron, elle a complètement emporté et toujours en longeant la côte tous les murs en pierre sèche qui garantissais les propriétés. De l’autre côté de l’Ile c’est à dire en tirant sur la Morelière, elle à démoli la falaise sur une longueur de 300 mètres sur 10 mètres de larges, et dans le village même un propriétaire à eu une partie de sa cours à volailles qui à été jeté à la mer. C’est le chef d’œuvre de notre maire qui à mis empêchement à la construction de la digue.

Il y avait 2 bateaux de pêche appartenant à des pêcheurs de homards du village de Chassiron, ils ont été réduit en miette.

Boyard à eu du mal et à beaucoup souffert. La foret à été envahie. La mer est venue jusqu’au village de Sauzelle qui se trouve entre St-Georges et Boyard, et à 4 kilomètres de la plage de Foulerot et Plaisance. Le village de Foulerot à souffert. Le Chateau à eu toutes les marchandises qui étais sur les quais envahies et une partie enlevée. Les bureaux et les gares de l’État 60 centimètres dans l’eau. Les stations de la Péroche, Matha et la Cotinière ont beaucoup souffert, surtout la Cotinière. St-Trojan peu.

En somme l’Ile d’Oléron à peu souffert et St-Denis n’a rien eu.

Alors je reviens à ce que je voulais vous expliquer.

Le raz de marée à pris naissance mardi soir sur les côtes de St-Sébastien au pied des Pyrénnées, il y a un volcan sous marins parait il. Il a fait beaucoup de mal à Biaritz, le Verdon, Arcachon, Bayonne,en Gironde, Royan. Il s’est coupé en deux en passant par Maumusson, à envahi le Chateau, Fouras, le Chapus, Chatellaillon, La Rochelle. L’autre moitié à suivit la côte ouest de l’Ile à contourné la pointe de Chassiron, à passé au large d’Antioche pour aller se rejoindre avec l’autre vague venant de Maumusson, et ont touchées ensemble les plages de La Rochelle etc etc. Et nous nous n’avons eu en somme que le remous de la vague car ce raz de marée à continué sur les Sables et les côtes Bretonne ou il a fais énormément de ravages.

Il y a eu à La Rochelle entre dix et 11 heures du matin des secousses sismiques et également au Sables d’Olonne. Voilà pour le Rat d’Eau comme dises ici les cultivateurs de St-Denis

… »

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… et après.

Aussitôt l’armistice Marthe DEVIN est chargée, par le sous préfet de Sedan, d’organiser la distribution des secours américains pour l’arrondissement de cette ville.

Le 17 janvier 1926, elle fonde le Comité de l’Association des Dames Française de la Croix-Rouge à Saint-Denis d’Oléron.

Grâce à l’aide de la croix rouge américaine, et en particulier de la « Red Cross Junior », Marthe reçoit des pupilles de la nation des régions envahies dans des bâtiments acquis personnellement à Saint-Denis d’Oléron à partir de 1920. C’est le début de l’œuvre de l’Abbaye de l’Ormeau, à laquelle son mari Paul DEVIN participera jusqu’à sa mort en 1932.

Elle reçut la médaille de bronze et d’argent de la Croix-Rouge Française A.D.F. ainsi que la médaille des victimes des invasions (dossier F23 347 à 378).

Quand à Paul DEVIN, il était Chef de Bataillon honoraire, Officier de la Légion d’Honneur, de la Croix de Guerre, Commandant honoraire de la compagnie des Sapeurs-Pompiers de Sedan, Président honoraire-Fondateur de la société de Tir et de Préparation Militaire de Sedan, Président honoraire de l’Association des Officiers de Réserve de Sedan, Président de l’œuvre Terrienne des Jardins Ouvriers de Sedan. Mais aussi Conseiller Municipal, Conseiller d’Arrondissement, Juge au tribunal de Commerce de Sedan.

En mai 1935, l’assemblée générale du comité A.D.F. de Saint-Denis décide d’étendre à toute l’Ile d’Oléron le comité qui prend le nom de « comité A.D.F. de l’Ile d’Oléron »

La guerre 1939-1945 se profile avec ses réfugiés de l’Est de la France et de l’Espagne, puis c’est l’occupation allemande.

Par le décret du 10 janvier 1941, le gouvernement de Vichy décide la fusion des 3 associations (Société de Secours aux Blessés Militaires, Association des Dames Françaises et l’Union des Femmes de France) pour former une seule association dénommée « la Croix Rouge Française ». En 1941, Marthe est nommée Présidente du Comité de la Croix-Rouge de l’Ile d’Oléron. Elle décède en 1959 à Saint-Denis d’Oléron.

Devenu aérium, l’établissement fermera ses portes en 1995.

Paul et Marthe Devin nous ont laissé  un témoignage unique au travers leurs correspondances et le journal intime de Marthe, qu’elle tenait déjà avant la première guerre mondiale ; elle nous raconte son premier voyage à Saint-Denis d’Oléron en 1905, ses correspondances avec Mr GUITET sur le « raz de marée » de 1924 ou bien encore sur la pétition des commerçants de Saint-Denis au maire pour avoir l’électricité… mais ça, c’est une autre histoire…


Monsieur et Madame DEVIN sont parrain et marraine d’une cloche de l’église de Bazeilles :

Inscription de la 3e cloche de Bazeilles

Poids 225 Kg

Ton : Do#

Je m’appelle Victoria

Je remplace mon ainée volée par les Boches. Fidèle à mon nom avec mes deux sœurs fondues à la veille de la grande guerre et restées silencieuses en Savoie.  Je peux désormais sonner la victoire de la France et de ses alliés.

Parrain : Le commandant Devin P.F.A. glorieux mutilé de la grande guerre.

Marraine : Madame Devin M.M.A. né Pingard infirmière de la Croix Rouge et otage de la guerre en Allemagne.

Effigies

Christ      Soldat jouant du clairon         Vierge      Faisceau de drapeaux


 

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Marthe DEVIN 26/26

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                                     Sedan le 19 novembre 1918
   Mon bien cher Paul.
Monsieur Bacot m’a remis ta chère lettre à la mairie, au moment où je faisais mes efforts pour joindre Monsieur Charpentier et tâcher d’obtenir une place de retour avec lui.
Combien j’ai eu de joie en te lisant et surtout d’apprendre par Monsieur Bacot que ta santé est meilleure et que tu as repris ton appareil ; surtout ne fait plus d’excès de fatigue tu es sûr que cela a causé ton mal et mon plus grand chagrin à Holzminden.
J’ai échoué dans mon désir de partir demain avec Monsieur Charpentier, mais il m’a promis de m’emmener la semaine prochaine ; il doit venir avec le ministre Monsieur Lebrun. Revois le avant, je t’en prie, mon cher Paul, afin qu’il ne mette pas d’obstacle à ce projet. C’est tout ce qu’il faut dire, et huit jours d’attente, c’est le maximum à présent. Je ne peux pas aller à pied prendre les voitures disponibles, et je compte sur ce « billet retenu » dont Monsieur Charpentier sera lui-même content ; tu le verras.
J’ai en tout cas mon laissez-passer signé du commandant de place.
Je viens de voir André Gerardin qui te donnera aussi des nouvelles ainsi qu’à Auxerre ; j’étais bien heureuse de l’embrasser.
Le Haut Montvillers et le parc sont maintenus en bon état ; les boches y ont même fait une annexe en ciment armé sur la route, près des écuries. Il a servi d’ambulance pour deux officiers jusqu’à la fin. Je n’y avais laissé que du matériel d’ambulance indispensable. Seulement je dois y aller pour m’assurer qu’il n’y a rien de fâcheux depuis ; je ne crois pas.
Maria Renaux (la femme du jardinier) a trouvé la mort à la Besau ! Leur fille Marie Louise est orpheline doublement puisque Pierre est mort à Bazeilles le 3 août ; on les avait chassé du Haut Montvillers le jour où l’on m’emmenait comme otage, et Pitou est mort trois jours après à Bazeilles, mais de vieillesse.
Bénissons Dieu et ses anges qui nous ont tous gardés en vie malgré les épreuves, qui ont conservé tous les nôtres et nous donnent l’assurance d’aller bientôt les revoir. Mon cœur saute à cette pensée.
Je voulais écrire à Saint-Denis : je double ma feuille et tu la leur enverras ; je ne sais comment j’écris, je suis tremblante à cause de la « petite » déception que j’ai, il faut l’avouer tout de même, de ne pas aller demain t’embrasser et partir ensemble à Saint-Denis.
Maria Rombeau est venue coucher hier soir à la maison, elle y restera quelques jours jusqu’à ce que je sois revenue. Alors, pour une fois, sais-tu, je vais me reposer un peu cette semaine en pensant à vous. Elle n’est pas à demeure, seulement pour mon absence afin de garder la maison et de faire la cuisine à quatre infirmières, quatre vieilles femmes que je soigne en attendant qu’elles rejoignent leur pays détruits.
Parler de nos chéries, et les revoir, sera si bon et si doux !
Selon toute probabilité je serai à Paris dans huit jours, et ensuite avec toi, auprès de nos amis d’Oléron. Combien je me réjouis d’embrasser Claire et Marie !
Tu me retrouveras en santé parfaite. Je te porterai mon journal ; tu me raconteras ta vie et votre vie à tous.
Tu verras que j’ai toujours été sûre de la victoire, et sûre que Sedan serait préservé.
Mardi soir, mercredi matin, ah ! Je voudrais y être déjà.
Je rêve d’Élisabeth et de Jeanne.

Allons, il faut nous quitter. Je cours et vous embrasse comme je vous aime tous, vous savez et serez comment.
Paul chéri, je vis avec toi « Vive la France ! »
Ta Marthe

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Marthe DEVIN 25/26

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30 septembre 1918 :
Terrible canonnade. Bonnes dépêches. Ici, passage d’infortunés évacués du front (St-Juvin etc). La liste des 10 hommes de 17 à 48 ans est à la mairie. Les Allemands lèveraient, en cas de recul, et les emmèneraient.

2 novembre 1918 :
Aujourd’hui ordre d’évacuer la ville, séance du conseil et des notables à 8h, j’y assiste comme présidente de la Croix Rouge (Dames Françaises) et je suis nommée avec 7 messieurs pour porter au Commandant la réponse et résolution de la population de demeurer dans la ville, malgré le danger de « mourir sûrement » dont nous menace le général allemand. A 2h, 2e séance, dans le grand salon on assiste le Commandant allemand et l’aide de camp. Nous signons le protocole qu’il écrit pour le général en chef comme quoi malgré tout nous demeurons fidèles au poste. Notre attitude à tous, sans exception, a calmé l’opinion publique, et remis au calme la ville qui s’affolait déjà.

5 novembre 1918
Convocation à 2 heures (française) au cabinet du maire, avec les docteurs et infirmières principaux et Madame Halleux, présidente des Secours aux Blessés. Le maire nous avise que les Allemands ayant enlevé leurs blessés nous laissent 250 prisonniers civils malades. 50, de l’Asfeld, sont déjà transportés à l’hôpital civil, les 200 autres restent à la Citadelle où nous sommes priés d’organiser les soins.

11 novembre 1918 :
Il y a une sonnerie de clairon et j’entends crier dehors : L’armistice est signé !
Plus de canon, Plus de combats d’aéroplanes. Salut Oh! Silence et recueillement. Je ne puis dire rien de plus.

14 novembre 1918 :
J’ai mis dans la journée le vieux drapeau français, le même que papa et maman ont mis en 1873, derrière les derniers allemands regagnant la Prusse. Alors, Sedan était la ville infortunée, la ville déchue, la ville de la reddition. Aujourd’hui, l’honneur est revenu à ma vieille cité et … Sedan est le tombeau des Allemands.
On dit que Sedan est cité à l’ordre du jour pour la belle conduite de la population qui a refusé d’évacuer la ville malgré les menaces de mort. Charleville et Mézières ont beaucoup souffert. Mézières a été repris maison par maison.

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N.D.L.R. : En photo le drapeau familial qui a traversé trois conflits en France (guerre de 1870 à Sedan, guerre de 1914-1918 à Sedan et guerre de 1939-1945 à Saint-Denis d’Oléron).

17 novembre 1918
Je rencontre Mr Frédéric Bacot (le maire), il est venu à Sedan dans la même voiture que Mr Charpentier, Jacquemin, et Ricoire (sous-principal du collège) . Il vient vivement à moi, il allait venir chez moi, dit-il, il a vu Mr Devin il y a 2 jours et m’apporte une lettre. Nous avons causé dans le cabinet du maire (avec Mr Grandpierre). Il m’affirme que tu vas bien, Paul, que tu ne portes plus béquilles et que tu as repris ton appareil. Et il ajoute que l’inflammation qui est survenue et a obligé cette douloureuse réamputation est venue d’excès de fatigue. Tu as rendu beaucoup de services, me dit-il, et sans jamais te plaindre …
J’ai ensuite dévoré ta chère lettre dans le secrétariat.

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